Nous partons dans une semaine à Tokyo. Tout en préparant mon départ en vacances, je prépare mon déménagement à Paris.
En rangeant ma petite bibliothèque montpelliéraine, j'ai retrouvé deux carnets de voyage: un carnet de 2008, que j'avais commencé en 2007 juste après le rendu de ma thèse, sous forme d'une page de journal intime et qui porte les marques de l'état d'épuisement avancé dans lequel je me trouvais, recouvert par un autre texte écrit à la fin de mes pérégrinations de mai à août 2008, plein d'un optimisme retrouvé. En l'espace de ces 4 mois, j'étais partie au Québec 2/3 semaines en mai, où j'avais un congrès à Québec et Seb m'avait rejoint une semaine pendant laquelle nous avions longé le Saint-Laurent jusqu'à Tadoussac, en passant par les Laurentides et Chicoutimi,
une semaine à Rome en juin où j'ai accompagné Seb à un colloque, une semaine à Londres en pleine canicule, une ou deux semaines à Marrakech en juillet chez Sam, avec mon frère, maman et Cédric, et quelques traces de notre tour de France en voiture avec Seb, de Paris, en passant par la Lorraine (Prény), le jura, le tunnel du Mont Blanc, avec un crochet en Italie pour aller à Antibes, une rando au Mont Bego, quelques jours à la plage, la visite de mon appart à Montpellier loué par téléphone, le colloque Ludovia à Ax-lès-Thermes, quelques jours chez Jeanne et Sylvain dans les Pyrénées, avant de revenir à Paris pour refaire mes bagages et repartir en train pour Montpellier. Les dessins y sont très travaillés, car j'avais passé beaucoup de temps à les reprendre à Marrakech, dans la journée, car il faisait si chaud qu'on ne sortait que rarement avant 5/6 heures de l'après-midi, en plein mois de juillet. Très peu de textes.
L'autre carnet recouvre partiellement le premier: une aquarelle du Mont Bego, sous un ciel menaçant et deux aquarelles des Pyrénées où nous avions fait une ballade avec Karine, son copain, Jeanne et Sylvain. Quelques dessins d'art mobilier de la grotte de la vache, Bedeillac, Niaux, des portraits de Seb au centre commercial place d'Italie, sur la route, à Villeneuve-lès-Maguelone, que j'avais en réalité dessiné à partir de photos dans les premières semaines de mon contrat à Montpellier, des coupures de magazines collées à Prény, puis l'essentiel: le voyage de l'été 2009 au Ladakh, en partant de Dehli et en passant par le Cachemir, que je dois compléter depuis un an d'ailleurs car les conditions de connexion à Internet au Ladakh ne nous avaient pas permis de le faire. Ce carnet est d'un style plus jeté que le précédent: quand on voyage à deux, il est difficile de dégager assez de temps pour faire autre chose que de rapides esquisses. Mais surtout, le temps depuis l'année dernière était surchargé par l'écriture de mon livre sur les identités virtuelles, les nombreux articles, les candidatures. Je n'ai pas été recrutée pour un poste permanent, mais mes classements 2ème sont très encourageants pour l'année prochaine. Je me suis totalement immergée dans mon travail et ne me suis quasi pas accordée d'espace ni de respiration pour le souvenir de ces voyages.
Cela fait deux ans que je ne me laisse pas de respiration, hormis ce mois l'année dernière au Ladakh et une semaine en Normandie pour le nouvel an. Je suis bien repartie en colloque cette année à Montréal, à Namur, à Dijon, mais je n'ai pas entrepris de carnet particulier car je n'avais plus les ressources adéquates, j'étais exténuée comme je l'ai rarement été. Tout en étant dans la nécessité de maintenir mon activité professionnelle, en pleine période d'auditions.
Toutefois, depuis janvier, j'ai commencé ce qu'on pourrait désigner par carnet d'expérience quotidienne. C'est entre le journal intime et le carnet de voyage, avec une connotation BD. J'adore le travail de Frédéric Poincelet, surtout sa série des périodiques du début des années 2000. C'est sans doute son travail qui m'a donné envie de générer un carnet de voyage pour mon quotidien. Mais au-delà, ce projet m'est venu d'une lassitude de mes mots. Depuis une dizaine d'années, j'ai en grande partie transféré mes activités d'écriture dans le domaine scientifique. Pendant quelques années, j'ai maintenu une activité dans le domaine artistico-scientifique-littéraire, en prenant beaucoup de plaisir à développer des raisonnements pour interpréter des oeuvres de création, notamment les miennes. J'avais alors commencé un travail de mise en abyme qui me tenait beaucoup à coeur. Mais voilà, ce n'était pas exactement de la science, car il y avait de fait de la mise en scène dans le processus d'écriture même, en jouant avec les mots. Ce n'était pas non plus exactement de l'art, puisque je ne suis pas plasticienne de formation. Aussi ce travail m'a coincée entre deux portes, et on m'a demandé de faire mon choix, que j'ai fait: la recherche en info-com. Implicitement, j'ai du marquer le coup, en publiant des articles et mon livre avec de forts marqueurs disciplinaires. Je me suis donc coupée de ce besoin et de ce plaisir poïétique. A tel point que je me sens devenue une véritable équation vivante. Un automate autotélécommandé au service de mon inscription institutionnelle. Et bien évidemment, à ce rythme depuis deux ans, les images sourdent sourdement et me donnent la nausée car elles ne peuvent rentrer dans l'équation de mon comportement quotidien: labo, tram, bagages, SNCF, cours, sport, bagages, SNCF, labo, tram, labo, tram, SNCF cours, sport... Et point d'orgue de ma stratégie, cette année n'a pas porté les fruits escomptés à la hauteur de mes espérances.
Alors je dois me recentrer sur moi-même, dans ma globalité. Heureusement, donc, depuis janvier, je tiens ce carnet. Format A4 paysage, papier aquarelle. Un carnet que je ne montre pas car il doit me permettre de me livrer en toute transparence, spontanément, sans avoir à penser la situation de communication à laquelle me renvoient sans cesse mes recherches.
Un blog de voyage, c'est assez différent. Il est destiné à communiquer des traces du voyage à la famille et aux amis, mais aussi éventuellement forunir des informations aux autres voyageurs. Tout en donnant le plaisir de se fournir à soi-même des traces de souvenirs qu'on relira avec grand plaisir dans les moments de loisir.
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